Antony le 23 février 2004  BULLETIN DE LIAISON N°5



RETOUR D’AGADEZ latitude nord 16°58’ - longitude est 7°59’

Ce voyage depuis si longtemps envisagé a pu se réaliser enfin. Nos amis d'Abalan avaient hâte de nous voir chez eux. C'est avec grand plaisir que j'ai retrouvé les enfants de l'école, les parents et tous les responsables de l'école. Rosmane, le directeur que je n'avais pas vu depuis son séjour à Antony en septembre 2002, était lui aussi très ému par nos retrouvailles.

Nous tenons à rassurer tous nos adhérents et nos bienfaiteurs, ce voyage a été entièrement financé par les participants : le coût pour l'association est nul. Si je me permets cette précision, c'est parce que nous ne voulons pas nous comporter comme certaines ONG qui organisent des voyages d'études...... aux frais des donateurs! Les fonds recueillis sont entièrement réservés aux investissements dans l'école d'Abalan.

Grâce à votre générosité, nous avons pu convoyer 40 kg de fournitures scolaires (dont 500 stylos) et sur place nous avons acheté 352 cahiers, un par élève.

Maintenant, le plus dur reste à faire. Je soumettrai au conseil d'administration le projet de construction d'une extension de l'école pour cet été. L'investissement est important : 14 000 € . Le solde de notre avoir et les prévisions de recettes, en particulier notre concert en mai, devraient nous permettre de nous rapprocher de ce chiffre, ce sera sans doute insuffisant. Je lance donc un appel à l'aide.

Je vous assure que ces enfants ont vraiment envie d'apprendre et nous avons l'ambition avec leurs parents de contribuer à faire progresser ce pays. D'avance merci pour eux.

Je vous invite maintenant à lire le compte rendu de notre voyage. (Merci à Jacqueline DENIS qui a bien voulu s'en charger) et aussi les impressions de nos compagnons de voyage : Marie-Claude et Dieter GOLD, qui m'ont suivi avec bonne humeur malgré le vent de sable et les conditions de vie difficiles. Qu'ils en soient remerciés.

Alain DENIS
président de l'Association

Mme le Maire d'Agadez & A. Denis

 

Voyage aux portes du désert

1er au 8 février 2004.

Les billets sont achetés, les vaccins faits, les valises bouclées.
Nous sommes quatre à partir : Jacqueline et Alain, le président de l'association, d'Antony et Marie-claude et Dieter Gold nos adhérents de Voiron.

1/ L'accueil

Malcolm s'est levé à l'aube pour nous amener à Roissy.
Après un vol sans histoire qui nous a permis de constater que les places d'avion étaient toujours aussi étroites, nous avons atterri à Agadez.
A l'aéroport nous attendaient une délégation menée par Rosmane, le Directeur de l'école d'Abalan, et un soleil radieux.
M. l'Inspecteur d'académie, Abdoulaye EREMBEL, s'était déplacé, ainsi que le président des parents d'élèves, Shahid EZEMBE, une délégation de parents d'élèves, des enseignants et des élèves. Madame la Maire d'Agadez s'était fait excuser. Cet accueil nous a fait chaud au cœur, mais ce n'était rien à côté de ce qui nous attendait à l'école.
Quasiment tous les élèves étaient rassemblés (un dimanche...).
Nous avons eu droit à un bain de foule.
A notre grande surprise, les enfants nous touchaient la main et nous caressaient aussi le bras.
S'agissait-il de curiosité (découvrir des peaux blanches?). Nous ne savons pas.
Puis les enfants nous ont chanté et mimé une chanson spécialement composée pour l'occasion par les instituteurs.
Enfin nos hôtes nous ont offert des tenues touarègues brodées que nous avons portées quand le temps le permettait.
Inutile de préciser combien nous étions émus.

2/ L'école

Pour le moment, ''notre école '' se compose de 4 classes en dur et de 3 en paillotes.

Les paillotes sont construites par les parents d'élèves et sont détruites à chaque saison des pluies.

Elles sont plus que spartiates. Il n'y a pas de revêtement sur le sol qui est donc du sable. Le soleil passe à travers les branchages et, en cas de très beau temps, certains enfants souffrent de migraine. La réunion de concertation avec les représentants de l'école et des parents d'élèves nous a permis d'établir une liste de travaux à effectuer ( puits, cantine, aménagement de l'infirmerie existante, mur d'enceinte, mobilier, électricité, jardin d'école, bibliothèque) et a désigné comme investissement prioritaire la construction de classes supplémentaires en dur. L'Etat est pauvre. Il paie uniquement les instituteurs.

Ce sont les parents qui financent tout le reste : infrastructures, salaire du gardien, fournitures, etc.

Les parents se montrent très concernés par la scolarisation de leurs enfants (à l'école d'Abalan, 46,5 % des élèves sont des filles). Ils disposent d'un bureau à l'école et leur président n'hésite pas à les réunir dès que nécessaire.

Parmi les habitants d'Agadez rencontrés dans la ville, nombreux ont souligné l'importance de l'enseignement.

Les instituteurs de l'école sont jeunes et pourtant, très respectés par les élèves. Ils se montrent vigilants car certains enfants se bagarrent parfois dans la cour de récréation.
La discipline est nécessaire, les effectifs pouvant varier de 40 à 82 élèves par classe!
Les enfants balaient la classe et nettoient le tableau. A tour de rôle, ils vont chercher de l'eau au puits le plus proche à 5 km.
Il n'y a pas de cantine scolaire. Certains ne mangent pas à midi.
Les programmes scolaires mettent l'accent sur l'histoire et la géographie de l'Afrique.

Le livre de français présente les auteurs que nous connaissons bien (La Fontaine, V. Hugo, Rousseau) et les écrivains africains.

Beaucoup de conseils sur l'hygiène et la santé.

Nous avons apprécié un beau poème sur le sida reproduit plus loin.

Les mathématiques initient à l'arithmétique et la géométrie simple, mais expliquent aussi comment tenir un budget.

Notre pays développé où fleurit le surendettement pourrait s'en inspirer.
La pédagogie est active : le maître essaie d'amener l'élève à découvrir lui-même les solutions.
L'entrée au collège se fait sur concours.

M. l'Inspecteur d'académie nous a déclaré :

" Grâce à vos encouragements et à votre soutien, des élèves ont pu passer l'examen et entrer en 6 ème. Ce sont les meilleurs du collège ".
Une anecdote qui montre bien la motivation des maîtres et des élèves.

Le week-end, Rosmane donne des cours supplémentaires à des élèves en difficulté ou qui ont été absents.

Alors que nous quittions l'école le vendredi soir, un enfant est venu lui demander : " Monsieur, est-ce qu'on vient demain? ".

L'école est ouverte : les femmes qui n'ont pas eu la chance d'étudier peuvent venir y suivre des cours.

Nous avons eu beaucoup de mal à départager les concurrents du concours de dessins. La première place a été gagnée par une fille qui a reproduit des scènes de sa vie quotidienne.
Les lauréats : 1 ère : Fati Lila CM2

et ensuite Fatima Barda CPA, Nana Oumarou CPB, Adam Etakass CPA, Ramatou Aboubacar CE1, Hadiza Ahmed CE2, Abdoulaye Ibrahim CM2, Ghaliou Alkassoume CM2.
lls ont tous été récompensés par de petits cadeaux.

Impossible de passer sous silence le match de foot, organisé en notre honneur, qui a opposé des joueurs de CM2 à une sélection des autres classes.

Imaginez un terrain sablonneux, un vent de sable encore plus fort que les autres jours, un ballon...fatigué. Eh bien, ces jeunes joueurs aux pieds nus se sont livrés à un match acharné et enthousiaste.
Au final, ce sont les plus jeunes qui ont gagné (4-0)

Au nom de l'association, Alain leur a remis un ballon neuf qui va leur permettre de s'entraîner mieux encore.>

3/ La circulation

Les routes nigériennes sont souvent des pistes.

A Agadez, seules deux rues sont goudronnées. Or la ville est très étendue. Les déplacements sont difficiles.

Les ''rues'' sont pleines d'embûches : creux, bosses, animaux en liberté.

A la tombée de la nuit, notre 4X4 a failli emboutir une vache alors qu'il doit bien avoir six vaches au plus dans l'agglomération!

Les voitures en ont vu de toutes les couleurs et leurs suspensions ont vécu.

Les motos sont nombreuses et circulent dans tous les sens.

Les accidents sont fréquents. Pendant notre séjour, Rosmane est tombé de moto en se rendant à l'école avec l'aînée de ses filles (heureusement, juste des bleus).

Mais tout le monde n'est pas motorisé et on croise de nombreux piétons qui n'hésitent pas à faire beaucoup de kilomètres. Ici l'obésité est inconnue.

4/ Le tourisme

Agadez voit arriver des touristes qui viennent randonner dans le désert. Ils passent une nuit au plus dans la ville.

En fait ce sont surtout des représentants d'ONG qui séjournent à Agadez.

Les faibles capacités hôtelières ne favorisent pas le développement touristique et les lits touaregs très durs ne sont peut-être pas du goût de tous (pourtant, comme j'ai bien dormi).

Les garçons de l'hôtel aiment communiquer.

Charly vient du Cameroun et a lu Prévert.

Le second est sourd muet. Nous aurions eu du mal à le comprendre mais Dieter a sauvé la situation en parvenant à dialoguer par gestes avec lui.

A la mosquée, nous avons rencontré un guide très dynamique, Bachir.
Il a emmené Marie-Claude au marché aux bestiaux et a réussi à la dissuader d'acheter un chameau
(splendide, paraît-il, tout blanc avec des grigris autour du cou).

Les blancs sont immédiatement repérés par les marchands ambulants, bien plus nombreux que les touristes.
Leur obstination ferait l'admiration d'un directeur de marketing.

5/ La ''coutume'' et la vie quotidienne

Encore très puissante mais le Niger s'efforce d'en limiter les aspects les plus nocifs.

L'excision, pratiquée surtout à l'ouest du pays, et les mariages précoces sont maintenant interdits.

Par contre, le mari paie toujours une dot à la famille de sa fiancée. Il doit offrir la ''valise'' qui présente toutes sortes de produits plaisant aux femmes (l'équivalent de ce qu'était la corbeille de la mariée). La communauté vient admirer ou critiquer.

J'avoue que cette tradition ne m'aurait pas déplu.....

Signe de l'évolution des mœurs : certaines femmes n'hésitent plus à demander le divorce, en général pour épouser un homme plus riche. Qui a dit que l'Afrique ignorait l'économie de marché?

Les femmes entrent également en politique. Nous avons eu l'honneur et le plaisir de rencontrer Madame la Maire d'Agadez, Zara Ibrahim, qui a encouragé l'association à poursuivre son projet.

Il est toujours admis qu'il faut avoir de nombreux enfants. Ce pays étant trop pauvre pour financer un système de solidarité collective, les parents espèrent que leurs enfants les soutiendront dans leurs vieux jours.

Mais les méthodes contraceptives commencent à être utilisées, au moins par les femmes les plus instruites, malgré les mises en garde des sages-femmes.
La vie quotidienne de la mère de famille est difficile.

Les tâches ménagères les plus simples se compliquent quand il n'y a ni eau courante ni puits à proximité ni réfrigérateur dans un pays où les chaleurs sont souvent torrides.
La cuisine se fait à même le sol sur de petits réchauds à charbon de bois.

Les femmes que nous avons rencontrées étaient toujours bien coiffées et bien habillées (robes claires, souvent brodées), changent de toilettes plusieurs fois par jour. Ici le voile souligne gracieusement l'ovale du visage . Elles voulaient sans doute faire honneur à leurs hôtes. Mais comment font-elles pour être impeccables?

Avec nos vêtements poussiéreux et un peu fatigués, nous avons donné une image piteuse de l'élégance française et nous en avons voulu à Alain qui a remplacé nos robes par des cahiers dans nos bagages.

Nos cheveux courts ont aussi déçu nos amies d'Agadez car elles auraient voulu nous faire des tresses traditionnelles.

Traditionnellement, le chèche (turban porté par les hommes) était remis au jeune homme quand il atteignait l'âge de 18 ans.

Le vent de sable que nous avons dû affronter nous a amenés à en acheter. Nous avons appris à les draper, ce qui se révèle un art difficile.

Ce voyage fatiguant mais passionnant m'a donné encore plus l'envie de voir aboutir nos projets pour l'école.



Poème de Issa Boureima
On ne peut pas dire d'ou tu viens
Comme jadis, la lèpre, la peste et le choléra
Tu terrorises aujourd'hui l'Humanité entière.
Parce que tu es sans remède.
Par ton microbe, le VIH,
T'abats les gendarmes du corps humain,
Et tu ouvres la porte à toutes sortes de maladies.
Tu entres par le sang,
Tu entres par le sexe,
Tu entres par le cordon ombilical;
Quel obstacle tu es pour la vie!
Tu tues les enfants,
Tu tues les jeunes femmes,
Tu tues les jeunes hommes,
Quel frein tu es pour le développement!
Debout mon frère!
Debout ma sœur!
protégeons-nous
sauvons notre espèce.


IMPRESSIONS DES COMPAGNONS DE VOYAGE



Nous avons quitté pour quelques jours notre verte Chartreuse, blanche en cette saison, pour être avec Alain et Jacqueline dans ce voyage à Agadez.

Nous avons reçu un accueil chaleureux des élèves de "l'école Abalane", de l'équipe éducative, de représentants des parents d'élèves. Nous avons eu une réunion de travail, avec le directeur, le représentant des parents d'élèves , pour mettre au point une hiérarchie des besoins et nous avons vu que la construction de salles de classe était le plus important pour eux. Le marabout, chef de village, était là aussi et nous avons ressenti combien notre venue et notre engagement étaient pour eux un encouragement à continuer à se battre contre les difficultés pour la scolarisation de leurs enfants.

Il y a eu les résultats d'un concours de dessins, moment propice à des témoignages sur la vie des enfants, la joie de parties de dominos, de tours de magie. Jacqueline s'est entretenue des programmes scolaires avec les instituteurs, nous avons beaucoup apprécié les manuels scolaires.

Mercredi après midi certains élèves ont fait des kilomètres pour nous offrir un match de foot dynamique avec un ballon.....bien fatigué qui n'avait plus d'air.

Nous n'oublions pas la visite à Madame le Maire d'Agadez, et à Monsieur l'Inspecteur d'Académie, leur soutien nous est indispensable, et ce que nous faisons pour l'école est vraiment reconnu.

Nous nous reposions de notre journée en brousse quand Alain et Jacqueline ont rencontré l'entrepreneur, négociations serrées... que nous entendions depuis notre chambre.

Nous avons quitté Agadez, la tête pleine et nos corps et vêtements couverts de sable, bien persuadés que notre association allait aider concrètement des personnes qui savent que la richesse d'un pays commence par l'éducation de ses enfants.

Le mot du Président d'Honneur de l'Association

Clément MEIS remercie tous ses familiers et amis pour leur aimable et sympathique contribution à notre projet. Il espère, qu'avec la bonne volonté de tous, celui-ci sera mené à bien.






© Lernejac